Bi Kidude

Bébé, elle dort lorsque son oncle, ne la remarque pas et s’assoit dessus ! Il se relève très vite et dit « kidude » qui signifie petite chose en swahili.

Ce surnom ne quittera plus celle qui est née Fatuma binti Baraka en 1910 et qui deviendra plus tard la légende du Taarab, musique traditionnelle de Zanzibar.

Elle sera également célèbre pour avoir brisé beaucoup de tabous avec ses paroles sexuellement explicites et pour avoir transgressé les interdits en chantant, avec son visage découvert, une musique habituellement réservée aux hommes. Elle a été une des premières chanteuses de Taarab.

Petite chose deviendra Madame petite chose : Bi Kidude.

Bi Kidude chez elle © Tiphaine Réto

J’avais regardé une vidéo de Bi kidude il y a quelques années. Et comme on y indiquait qu’elle était d’origine malienne, j’ai vite conclu qu’elle chantait un genre musical d’Afrique de l’ouest sans chercher à vérifier.

La semaine dernière, lors d’une soirée chez moi, un ami nous montre cette même vidéo. Plusieurs s’étonnent de la ressemblance de la chanson avec la musique arabe. Pas moi. Bien confortable dans mes idées toutes faites et ayant tendance à vite m’agacer lorsqu’en tant que maghrébins on accorde beaucoup trop d’importance à notre héritage culturel arabe en ignorant notre l’africain, le plus proche de nous et le plus marquant.

Je décide quelques jours plus tard d’en savoir plus. Quelques clics et passages par Wikipédia me font découvrir cette grande dame, ce héros ordinaire comme j’en raffole !

J’apprends beaucoup sur les rituels initiatiques que Bi Kidude pratiquait – elle était aussi guérisseuse, que Zanzibar se dit Zanjibar en arabe. Je découvre l’histoire de cette île et plusieurs genres musicaux… Le plus surprenant dans l’histoire est que je suis en train de partager avec vous tout ça !!!!

Je vais probablement commettre un acte inqualifiable pour ses fans mais voilà, je n’aime pas la voix de Bi Kidude. Cela dit, je n’ai écouté que des enregistrements récents dans lesquels elle est âgée de plus de 90 ans.

Regardez cette vidéo. Je la trouve incroyable ! Sa présence, son charisme ! J’adore les mélodies et regarder cet orchestre si proche et si loin à la fois.

Je vous laisse la (re)découvrir et si vous êtes sympas, je vous raconterai son histoire plus tard 😉

Dans cette vidéo, Bi kidude est âgée de 93 ans. Elle est accompagnée par le Culture Musical Club, premier club de taarab de Zanzibar fondé en 1958.

Inutile de vous faire attendre, voici l’histoire de Bi Kidude ! Aucune version de son histoire ne concorde avec les autres. Je partage cet article dans lequel j’ai retrouvé des informations lues ailleurs.

Article de Delphine Barrais et Tiphaine Réto publié ici

Quand Bi Kidude ne chante pas, elle fume. Assise sur une natte dans la pénombre de sa petite maison d’un quartier périphérique de Stone Town, sur l’île d’Unguja (Tanzanie), elle sort de son soutien-gorge un minuscule briquet vert. La première cigarette n’a pas fini de se consumer que Bi Kidude en allume une autre avant de se mettre à raconter. Car quand Bi Kidude fume, elle parle. Elle parle de sa vie, longue et sinueuse comme les traits de son visage.

«J’ai rencontré la reine Elizabeth vous savez. Et puis j’ai chanté à Paris. Et j’ai vécu sur le continent, au Tanganyika.»

Bi Kidude, de son vrai nom Fatuma Binti Baraka, est loin d’être la «petite chose» que son surnom désigne en swahili. A Zanzibar où elle est née, on la considère aujourd’hui comme la reine du taarab, la musique traditionnelle de l’archipel. Elle est aussi celle qui, sans complexe, bouscule les traditions.

«J’ai commencé la musique à 10 ans, grâce à mon cousin. Il m’initiait au taarab en attendant le poisson dans sa barque. Puis, quelques années plus tard, je suis allée à la rencontre de Siti Binti Saad.»

Une femme qui, dans les années 1930, a réussi à se faire un nom dans le milieu très masculin du taarab.

«A l’époque, elle montait sur scène cachée sous un voile, se souvient Bi Kidude. Beaucoup disait que c’était parce qu’elle était laide comme un singe. Je peux vous affirmer, moi, que c’était faux: elle était belle et ne faisait que respecter la tradition.»

La chanteuse se redresse sur sa natte et réajuste son vêtement. «Moi aussi je respecte la tradition, mais je refuse d’être voilée.» Et qui pourrait imposer quoi que ce soit à Bi Kidude, une femme qui fume, boit de la bière et qui a divorcé deux fois dans un pays à 95% musulman ?

Bi Kidude vit sa vie comme elle l’entend et ne laisse personne percer les mystères de son existence. Le réalisateur britannique Andy Jones en sait quelque chose, lui qui, pour les besoins de son documentaire As old as my tongue (voir la bande annonce plus bas), a suivi l’artiste pendant trois ans d’un bout à l’autre de la planète :

«On ne sait pas quand elle est née, ni ce qu’elle a fait exactement de sa vie. Elle change de version à chaque interlocuteur. On peut juste affirmer qu’elle est née avant 1915 et qu’elle a vécu quelques années en dehors de l’archipel.»

Quelques rares éléments, pourtant, reviennent d’un récit à l’autre: née d’un père vendeur de noix de coco dans le Zanzibar colonial, Fatuma aurait très jeune été reconnue par les musiciens locaux pour sa voix au grain si particulier. Mariée de force à 13 ans, elle quitte sa famille pour le continent. C’est là qu’elle rencontre Siti Binti Saad et, sous sa protection, elle commence à chanter dans toute l’Afrique de l’Est. On dit aussi qu’elle aurait traversé la Tanzanie à pied pour fuir son second mari avant de rentrer s’installer à Stone Town dans les années 1940.

Guérisseuse et initiatrice

Autant de bribes qui entourent l’existence de Bi Kidude d’un voile quasi mythique sur son île d’origine. Une aura renforcée en 2005 par sa récompense au prix Womex pour sa contribution à l’essor de la culture et de la musique d’Afrique de l’Est. Désormais, quand Bi Kidude monte sur scène, jeunes et moins jeunes partagent la même ferveur pour la chanteuse.

«Mais c’est aussi parce que c’est une guérisseuse bien connue pour son implication dans « l’Unyago », précise Andy Jones. Depuis toujours, elle anime les cérémonies de ce rite initiatique qui marque le passage des jeunes filles à l’âge adulte.»

Ça, la chanteuse en parle peu. Elle consent seulement cette phrase:

«Avec la danse et le chant, j’essaie d’apprendre aux futures mariées comment conserver leur mari en se faisant respecter.»

Puis, d’un haussement d’épaule, sa petite silhouette se déploie en direction des percussions posées dans un coin de la pièce. Elle s’assoit soudain, mi-amusée, mi-indignée avant de poursuivre en frappant la peau d’un instrument:

«Je leur explique aussi qu’on ne porte ni minijupe, ni t-shirts qui font voir le ventre. Vous imaginez si moi je me promenais dans la rue en montrant mon ventre?»

Bi Kidude a fini de fumer. Elle cesse aussi de parler. Mais dans les rythmes du taarab, elle continue de raconter. Elle chante une île épicée où une «petite chose» a pu devenir une grande dame.

Découvrez d’autres héros, ici 😉

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Une réflexion sur « Bi Kidude »

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