Le don contre le donnant-donnant

Certaines personnes me confient n’avoir jamais considéré l’équilibre donner-recevoir-rendre dans leur vie, en général et plus particulièrement en ce qui concerne leurs relations. Beaucoup sont gênées par cette idée qui contredit les principes selon lesquels nous ne devrions pas avoir d’attentes des autres et les aimer inconditionnellement…

Donner recevoir rendre

Ici,, j’exprime mon avis sur les relations. A vous de vous faire le vôtre et de trouver votre propre définition de la relation satisfaisante.

Dans ce qui suit, je partage une vidéo du psychologue Adam Grant et un texte du philosophe Jean-Claude Michéa, extrait du livre Solutions locales pour un désordre global de Colline Serreau. Il y traite la question du donner-recevoir-rendre dans un contexte plus large.

Notez que pour Jean-Claude Michéa il s’agit d’une triple obligation donner, recevoir et rendre.

Petit exercice de déconstruction de la pensée libérale, grosse cure d’éthique : le don contre le donnant-donnant

On remarquera donc que c’est toujours au nom des droits de l’homme et de la liberté que les avancées culturelles du capitalisme se produisent. Le principe du libéralisme, c’est donc qu’il ne peut pas y avoir de valeurs philosophiques communes et partagées, en dehors de celles qui découlent de l’universalité du marché et qui sont supposées être axiologiquement neutres parce que purement  » techniques « .

Mais, d’un point de vue anthropologique, cette idée est fausse.

Comme Marcel Mauss l’a établi le premier, c’est en réalité la logique du don qui organise en grande partie les relations entre les hommes, et cela depuis la plus haute antiquité. Aussi loin qu’on remonte dans l’histoire de l’humanité, on constate qu’en réalité une part essentielle des biens circule, et des services se rendent selon la triple obligation de donner, recevoir et rendre. L’art de savoir donner a toujours fondé la générosité, savoir recevoir quelque chose comme un don, et non pas comme un droit ou un dû, fait également partie des qualités morales universelles, et savoir rendre a toujours constitué ce qu’on appelle la reconnaissance et la gratitude.

Ce roc universel sur lequel l’humanité s’est construite et que détruit le donnant-donnant de l’échange marchand, ce n’est pas du tout une affaire du passé. Comme chacun peut le constater, c’est ce qui continue à organiser une part essentielle de notre vie quotidienne. Quand, par exemple, vous êtes invités chez des amis, qu’est-ce qui vous oblige à vous demander :  » Que vais-je apporter à mes hôtes ?  » Pourquoi tenons-nous à offrir des applaudissements à cet artiste qui a donné un concert magnifique, alors que nous avons déjà payé notre billet ? Il est clair que notre vie quotidienne serait incompréhensible si elle devait se développer, comme le veulent les économistes, sous le signe exclusif de l’échange marchand et de notre intérêt bien compris.

Du reste, si vous faites l’amour avec quelqu’un et qu’aussitôt après vous lui dites : Combien est-ce que je te dois ? Vous mesurerez probablement à travers sa réponse à quel point les structures du donnant-donnant ne sont pas la loi qui organise la totalité de notre vie quotidienne, mais comment, au contraire, une part essentielle des échanges au sein de la famille, entre voisins et amis, relève d’une logique qui tient à distance celle du calcul économique.

Quand on étudie les grands courants fondateurs du socialisme, on s’aperçoit qu’au départ, l’ennemi premier des socialistes, c’était précisément l’individualisme possessif et l’égoïsme radical. Et ce n’est pas par hasard qu’on appelait les socialistes les  » partageux « .

A ce propos, j’ai vu l’autre jour avec étonnement que le magazine du NPA (le Nouveau Parti anticapitaliste de Besancenot) avait choisi comme titre Tout est à nous. Tout est à nous, comme mot d’ordre des partageux ?

Je trouve très étonnant qu’il ne se soit trouvé personne, dans un parti de plusieurs milliers de membres, pour faire remarquer que ce mot d’ordre pourrait faire un tabac dans une crèche ou au comité directeur du MEDEF !

C’est, en effet, la devise libérale par excellence, la négation du devoir de partage, d’entraide et de solidarité, et cela en dit long sur l’inconscient qui mine la gauche et l’extrême gauche actuelles.  » Tout est à nous  » ! Un tel lapsus est confondant !

Si les vingt-quatre heures de chaque journée devaient se développer selon les lois de l’économie, c’est-à-dire sous le signe du  » tout est à nous  » et non pas de l’entraide et de la triple obligation de donner, recevoir et rendre, il est clair que ni l’amitié, ni l’amour, ni la vie de quartier, ni la vie de famille, ni la moindre vie décente ne seraient possibles.

Extrait du livre Solutions locales pour un désordre global de Colline Serreau

© Photo Pixabay

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