Pouvez-vous définir le silence ?
On ne peut pas dire ce qu’est le silence. Mais on peut dire que le silence est ce que l’on veut profondément, ce dont on a la nostalgie. Notre tentative d’obtenir ceci ou cela n’est, en fait, qu’une nostalgie de ce silence.
Tous les désirs sont une nostalgie de l’absence de désir.
Sur un plan relatif, le silence mental n’est qu’un reflet du vrai silence. Le mental peut être actif et le vrai silence vécu ; le mental peut être silencieux et le vrai silence inconnu. Le silence mental, le silence du monde n’est pas quelque chose que l’on doit rechercher. Comme une porte, le silence mental ouvre sur quelque chose, mais ce n’est pas la porte que l’on cherche.
Ce sur quoi cela ouvre n’est pas une femme, ni une voiture rouge, ni même le silence, ni même la joie ; il n’y a pas de mot ! Cela ne provient pas plus de l’inactivité que de l’activité mentale, mais ce pressentiment se reflète dans un esprit tranquille. L’esprit tranquille ne crée pas le silence, il s’y rend disponible, et l’extase qu’il y reçoit de son identité l’emplit plus que tout autre objet.
Parce qu’il est difficile de pressentir ce reflet dans un esprit agité, on peut dire à certains moments qu’il est approprié de laisser le corps et l’esprit devenir disponibles. Ce n’est pas nécessaire, mais cela peut s’imposer, sans qu’aucune intention d’appropriation participe de cette étude de la disponibilité corporelle et mentale.
La poésie mène à ce silence. La musique, l’architecture, le théâtre mènent à lui plus que toute explication, tout discours ou toute affirmation.
La sensorialité est ce qui va le plus profondément dans le pressentiment du silence. Le chant, les hurlements des coyotes au Nouveau-Mexique, le son d’un serpent glissant sur le sable, la vision d’une pierre ou d’une poubelle mèneront toujours plus directement au silence qu’aucune réflexion ne le pourra jamais. Il n’y a qu’ouverture. Une discussion ne peut pas mener au silence. Elle peut amener, comme le faisait Socrate, à voir les limites du mental. Quand le mental voit ses limites, il devient fonction.
Toute compréhension ne peut être qu’une référence à ce que la personne connaît déjà. Petit à petit, l’esprit perd sa prétention à comprendre ce qui le dépasse. On réalise qu’on ne peut pas penser un être humain, on ne peut pas penser la vérité, on ne peut pas penser la joie, on ne peut pas penser un brin d’herbe. On ne peut rien penser, on ne peut que projeter. Le mental perd sa prétention et devient un outil, comme les jambes. Quand vous avez besoin de séparer, vous vous servez de la pensée. Mais vous n’utilisez plus le mental pour la recherche de la vérité.
Voilà la marque d’une véritable intelligence : n’utiliser la pensée que lorsqu’elle est nécessaire. La recherche de la vérité n’a aucun lien avec la réflexion. La pensée n’a pour rôle que de vous montrer ses limites.
Découvrez d’autres lectures
2 réflexions sur « Le silence »