Tu connais le bruit mental ? Cette voix qui, dans la tête, n’arrête jamais de radoter. Moi, je veux. Moi, je pense. Moi, je crois. Moi, je devrais…
Infatigable, elle ne se tait jamais. Elle a un avis sur tout, des attentes de tous et est rarement satisfaite.
Tu vois de quoi je parle. N’est-ce pas ?
Mon bruit mental, contrairement à beaucoup, je le partage. Je l’exprime aux autres. Il me manque un filtre, celui placé habituellement entre les pensées et les paroles. J’ai appris à me taire, à ne donner mon avis que lorsqu’on me le demande. Mais filtrer. Je ne sais pas…
Et, chose qui me surprendra toujours, cela produit des effets insoupçonnables. Je ne compte plus le nombre de fois où un de mes proches a prononcé ces mots :
– Tu te souviens ? tu m’as dit un jour…
– Non, je ne sais pas. Ce n’était pas moi !
Mon ami, je te demande, solennellement, de ne plus jamais solliciter mon avis. Moi-même, je me fiche complètement de ce que je pense. Je considère que mes opinions n’ont de valeur que pour moi, à un instant donné. Tu devrais en faire autant. Crois-moi.
Quoique tu me confies, je le trouverai « normal » puisque c’est de ta vie et de toi qu’il s’agit et qu’il n’est pas question de te comparer ou de projeter quoique ce soit sur toi.
Tu veux changer de métier ? Parfait, si cela te rend heureux.
Tu doutes de vouloir te marier ? Si tu doutes, c’est qu’il n’y a pas de doute.
Est-ce que ton conjoint est fait pour toi ? Non, tu ne l’as jamais aimé. Tu flippes à l’idée de rester seul.
Tu trompes ta femme ? L’important est d’être fidèle à toi-même. Ton corps t’appartient, tu en fais ce que tu veux.
Que signifie ton infidélité ? Que ton couple ne te satisfait pas !
Tu veux divorcer ? Pourquoi pas ?
Tu as volé quelque chose ? Ce n’est pas grave. Réfléchis aux raisons qui t’ont poussé à le faire.
Tu as envie de tuer ton boss ? Je te comprends mais pense aux conséquences.
Tu ne veux plus dîner avec tes amis ? N’y vas pas.
Tu en as marre des déjeuners chez ta belle-mère ? Arrête d’y aller !
Tu n’aimes pas ta cousine ? Tu n’es pas obligé de la fréquenter.
Ton ami s’est mal comporté. Ce n’est pas un ami.
Tu vois ? Je ne te dirai rien de plus que ce que tu ne sais déjà. Tu n’as pas besoin de m’en parler. Sais-tu pourquoi tu le fais ?
Je vais te le dire. J’ai remarqué que les gens se confient pour trois raisons principales :
– Vider leur sac. Ils n’attendent aucun avis. Ils déversent leur trop plein de situations plus ou moins supportables sur les autres qu’ils prennent pour une poubelle.
– Se comparer pour savoir comment se situe leur malheur ou leur bonheur par rapport à celui des autres. Chercher leur approbation. Et selon les cas, s’attirer la sympathie pour la victime qu’ils sont ou, à l’inverse, des éloges des super-héros qu’ils sont.
– Demander systématiquement un avis parce qu’ils se pensent incapables de faire face à une situation.
Rares sont les individus qui discutent pour le plaisir sincère de partager ou pour demander une aide en toute humilité.
Arrête donc de me raconter ta vie et de demander mon avis. Je sais que je fais une très bonne poubelle pour que tu y vomisses tes tracas mais avoue que ce n’est pas très sympa pour moi. Te comparer à moi ou aux autres ne te sert à rien. Tu es toi et tu es parfait ainsi. Tu n’as besoin d’aucun avis ou conseil. Tu es parfaitement apte à résoudre tes difficultés et à faire tes propres choix.
Je serai toujours là pour t’aider mais sollicite-moi lorsque cela est nécessaire. Et surtout, saches que ce que tu aimes chez moi, en ce moment, te sera insupportable, plus tard.
Lorsque, dans quelques mois ou dans quelques années, tu auras toujours le même métier, le même conjoint et les mêmes préoccupations, tu n’aimeras plus mes avis. Trop lucides, ils te rappelleront ce que tu cherches à fuir et c’est moi que tu fuiras à ce moment-là. Ma présence te rappellera les promesses que tu n’as pas su tenir envers toi-même.
Si tu doutes, c’est qu’il n’y a pas de doutes… 😉